Plus tôt ce mois-ci, le vol 302 d'Ethiopian Airlines à destination de Nairobi s'est écrasé peu après le décollage, tuant tous les passagers et membres d'équipage à bord. Il s'agissait du deuxième incident mortel impliquant un Boeing 737 Max, le nouvel avion à réaction le plus vendu du constructeur américain, un précédent crash survenu moins de cinq mois plus tôt, ayant impliqué le vol 610 de la compagnie indonésienne Lion Air parti de la capitale indonésienne, Jakarta, avait occasionné la mort de 189 personnes.
Même si les enquêtes de ces deux catastrophes n’ont pas encore été définitivement bouclées, le fait que les aéronefs impliqués dans ces crashs étaient des Boieng 737 Max a rapidement amené les acteurs du monde aéronautique à suspecter un défaut inhérent à la conception de cet appareil. Les enquêtes préliminaires avaient retenu que, l'accident du 10 mars dernier du vol 302 d'Ethiopian Airlines présentait des similitudes avec l’autre accident mortel survenu en octobre 2018, et selon les enquêteurs, les deux accidents étaient liés à une défaillance d’un système automatisé conçu pour prévenir le décrochage de l'avion.
Pour rappel, Boeing a dû ajouter le système MCAS (Maneuvering Characteristics Augmentation System) à son avion 737 révisé afin de corriger un problème de conception sur le nouveau modèle 737 Max qui a été lancé pour apporter une riposte à l’A320neo de l’Airbus. En effet, sur le Boeing 737 MAX, l’avionneur a conçu les turboréacteurs plus imposants pour permettre à l’appareil de bénéficier d’une plus grande autonomie ainsi qu’un meilleur rendement énergétique. Toutefois, vu l’importance de la taille de ces nouveaux moteurs, les ingénieurs ont été contraints à les installer loin devant le bord d’attaque de l’aile. Ce nouvel emplacement des moteurs a eu pour effet de faire lever le nez du 737 MAX lorsque l’appareil subit un angle d’attaque élevé. Pour régler ce problème, Boeing a implémenté ce logiciel nommé MCAS.
L’enquête préliminaire sur le crash de l’avion de la compagnie indonésienne avait permis de mettre en lumière un dysfonctionnement du système de stabilisation en vol. Selon un rapport du Wall Street Journal, les enquêteurs qui sont chargés des investigations sur l'accident mortel du Boeing 737 Max de la compagnie Ethiopian Airlines seraient parvenus à la même conclusion préliminaire que leurs homologues qui ont enquêté sur le premier crash du Boeing 737 Max. D’après les enquêteurs, ce dernier crash aurait été occasionné par un mauvais fonctionnement du système anti-décrochage, le MCAS, a rapporté vendredi le Wall Street Journal.
La conclusion préliminaire des enquêteurs est fondée sur l’analyse des données extraites des boîtes noires du vol 302 d'Ethiopian Airlines. D’après ces données, le MCAS s'est activé automatiquement avant que l'avion ne s'enfonce dans le sol, selon le Journal, qui a cité comme sources des personnes qui avaient été informées de la question.
Le 23 mars dernier, la FAA avait « provisoirement approuvé des changements radicaux apportés au logiciel et à la formation des pilotes » pour l’avion 737 MAX de Boeing, après que l’enquête sur le crash de Lion Air soit parvenue à une conclusion partielle selon laquelle un dysfonctionnement du MCAS aurait été à l’origine du crash. Ces correctifs étaient destinés à permettre aux pilotes d'exercer un meilleur contrôle sur le système automatisé de prévention de décrochage, ce qui aurait pu permettre aux compagnies de piloter à nouveau le Boeing 737 Max immobilisé au sol depuis le dernier accident.
Quatre jours après l’accord provisoire des régulateurs américains, Boeing a procédé à la présentation des modifications qu’il a apportées au système de vol de son 737 MAX en présence d’un ensemble de journalistes, pilotes et dirigeants de compagnies aériennes invités par la compagnie pour la circonstance. Boeing a assuré que l’implémentation de ces changements rendra le système de vol de son 737 MAX « plus solide », sans que cela sous-entende un éventuel défaut de conception initial de cet avion.
Cependant, certains acteurs du domaine, comme Gregory Travis, un ingénieur logiciel chevronné et un pilote expérimenté, qui n’étaient pas d’avis avec l’avionneur n’ont pas attendu longtemps pour contester l’assurance donnée par Boeing.
Selon Travis, le MCAS n’a pas besoin d’être corrigé avec plus de complexité ou de logiciels qui ne changeraient pas grand-chose au défaut de conception de l’appareil. Il doit être purement et simplement supprimé, d’après l’ingénieur. Travis a également souligné que l’avion est défectueux. Pour le réparer, l’ingénieur a recommandé le déplacement des moteurs, par conséquent, la conception même de l’avion devrait être revue.
La sécurité du Boeing 737 Max devra être approuvée par les régulateurs du monde entier avant qu'il ne soit à nouveau autorisé à transporter des passagers, ce qui pourrait prendre des semaines. En raison des similitudes existant entre les deux tragédies, les autorités de régulation chinoises et européennes n’avaient pas tardé à clouer au sol tous les Boeing 737 MAX après le dernier accident. Par contre, la lenteur dans la réaction des régulateurs américains avait fait naitre des soupçons de collusion entre Boeing et la FAA.
Lors d'une séance d'information de haut niveau à la FAA le 28 mars, les régulateurs ont pris connaissance des résultats préliminaires qui relient officiellement le MCAS de Boeing au deuxième écrasement survenu moins de cinq mois après le premier.
Bien avant, l'administrateur par intérim de la FAA, Daniel Ewell, avait déclaré au sous-comité de l'aviation du Comité sénatorial du commerce, des sciences et des transports que le 737 MAX n'avait fait l'objet d'aucun essai en vol avant sa certification pour déterminer la réaction des pilotes en cas de mauvais fonctionnement d'un MCAS. Selon lui, seulement un panel de pilotes avait examiné le logiciel dans une situation de simulation et avait déterminé qu'aucune formation supplémentaire n'était nécessaire pour les pilotes ayant la qualification 737 pour piloter le 737 MAX.
En fin de compte, Ewell a défendu la décision tardive de la FAA d'immobiliser le 737 MAX après l'écrasement de l'Ethiopian Airlines en disant aux sénateurs que « Nous avons peut-être été, je crois que quelqu'un a dit, le dernier pays à immobiliser l'avion, mais les États-Unis et le Canada ont été les premiers pays à le faire avec données ».
Bien qu'une conclusion finale sur la cause de l'écrasement d'Ethiopian Airlines n'ait pas été tirée, l’avionneur serait peut-être déjà en train de mettre à jour son logiciel pour tenir compte des données des boîtes noires du 737 Max d'Ethiopian Airlines.
Source : The Wall Street Journal, CNBC
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Le , par Stan Adkens
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