Depuis plusieurs années, une poignée d’entreprises technologiques américaines se sont lancées dans le projet ambitieux de concevoir un système de calcul quantique qui soit à même de résoudre les problèmes concrets pour lesquels les solutions restent jusqu’à présent hors de portée des systèmes de calcul classiques. À l’heure actuelle, il n’est plus question de savoir qui créera le premier système de calcul quantique viable au monde, étant donné le nombre de sociétés et d’équipes de recherche indépendantes qui s’y sont déjà attelées (IonQ, D-Wave Systems, Intel, Rigetti Computing, IBM, NTT, Google…). Les entreprises technologiques impliquées dans ce secteur avant-gardiste semblent plutôt désormais engagées dans la course pour la création du calculateur quantique le plus performant qui permettra d’éprouver la théorie de la suprématie quantique. Pour rappel, cette théorie relative à la supériorité des systèmes de calcul quantiques sur leurs homologues classiques suggère que l’informatique quantique devrait permettre d’effectuer plus rapidement des opérations qui prennent encore trop de temps ou qu’il n’est pas possible de traiter sur les systèmes de calcul classiques.
En septembre dernier, le média américain Financial Times (FT) a rapporté que la filiale d’Alphabet avait peut-être réussi à concevoir un nouvel ordinateur quantique qui serait plus puissant que les meilleurs supercalculateurs actuels. Un document de recherche émanant de la firme de Mountain View aurait été temporairement mis en ligne et serait tombé entre les mains du FT. En se basant sur les éléments recueillis, le Financial Times a déclaré que le processeur de cet ordinateur quantique a permis d’effectuer un calcul spécifique en un peu plus de trois minutes, alors qu’il faudrait 10 ;000 ans à Summit - le supercalculateur le plus puissant au monde conçu par IBM pour le Oak Ridge National Laboratory aux États-Unis, dans le Tennessee - pour le reproduire avec la même fidélité ou le même niveau d’incertitude que le système quantique intrinsèquement incertain. Dans le même document, les chercheurs de Google ont évoqué la suprématie quantique en indiquant qu’à leur connaissance, « ;cette expérience constitue le premier calcul qui ne peut être effectué que sur un processeur quantique ;».
Le point de vue tranché d'IBM
Dans un billet de blog publié récemment, IBM conteste les déclarations de Google. L’opération qui, d’après la filiale d’Alphabet, pourrait prendre 10 ;000 ans au supercalculateur classique le plus rapide du monde peut en fait, selon IBM, être accomplie en quelques jours seulement. D’après Big Blue, le calcul opéré calculateur quantique à 53 qubits de Google peut être réalisé sur un système de calcul classique « ;en 2,5 jours et avec une fidélité beaucoup plus grande ;».
Comme l’a écrit John Preskill, le physicien de CalTech à l’origine du terme « ;suprématie quantique ;», dans un article paru dans le magazine Quanta, Google a spécifiquement choisi pour son expérience une opération particulière qui avantage les ordinateurs quantiques, mais handicape les ordinateurs classiques. « ;Ce calcul quantique a très peu de structure, ce qui rend plus difficile pour l’ordinateur classique de suivre, mais cela signifie aussi que la réponse n’est pas très informative ;», a-t-il écrit. Or de par son fonctionnement, un système de calcul quantique, qui peut traiter plusieurs opérations en même temps, sera en général plus rapide qu’un système de calcul traditionnel basé sur les bits.
L’autre problème avec les allégations de Google vis-à-vis de la suprématie quantique viendrait du fait que, lorsqu’on compare les performances d’un système quantique à celles d’un système classique, de telles simulations ne sont pas seulement une question de portage du code d’un ordinateur quantique à un ordinateur classique. Même si ces simulations deviennent exponentiellement plus complexes à mesure que le nombre de qubits manipulés augmente, certaines optimisations au niveau matériel (espace de stockage, quantité de mémoire vive…) et / ou logiciel (techniques permettant d’optimiser le code afin d’arriver à un équivalent suffisamment bon) peuvent faire pencher la balance d’un côté comme de l’autre, ce que met en exergue l’équipe d’IBM.
Simuler un calcul quantique dans un ordinateur classique nécessite le stockage de grandes quantités de données dans la mémoire au cours du processus. Moins il y a de mémoire disponible, plus il faut découper la tâche sur plusieurs étapes et selon IBM, la méthode de Google reposait principalement sur le stockage des données dans la RAM. IBM, de son côté, a procédé à une optimisation matérielle du supercalculateur classique qu’il a employé, notamment en augmentant la quantité de mémoire de stockage et de mémoire vive. L’entreprise a également proposé d’autres techniques d’optimisation, à la fois matériel et logiciel, permettant d’accélérer le calcul. Il faut cependant préciser que la solution avancée par les ingénieurs d’IBM reste dans le cadre de la théorie, il est donc difficile de savoir si cela pourrait fonctionner comme proposé.
Source : IBM
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Le , par Christian Olivier
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