Le CISPE est un groupe industriel européen qui représente les intérêts de 26 fournisseurs européens de services de cloud computing et d'AWS. Dans un communiqué de presse publié mardi, le groupe a accusé Broadcom d'avoir annulé unilatéralement toutes les licences pour les logiciels VMware suite à son acquisition de la société l'année dernière. Selon le CISPE, les nouvelles politiques de Brodcom ont laissé les fournisseurs de services cloud et les clients dans l'incertitude. Ils ne savent pas comment procéder ou s'ils peuvent acquérir des licences pour les logiciels VMware à partir du 1er avril 2024.
Le CISPE appelle les régulateurs, les législateurs et les tribunaux de toute l'Europe à examiner rapidement les actions de Broadcom qui annule unilatéralement les conditions de licence pour des logiciels de virtualisation essentiels. Dans son communiqué de presse, le groupe explique que plusieurs de ses membres ont déclaré que sans la possibilité d'obtenir des licences et d'utiliser les produits VMware, ils feraient rapidement faillite et se retireraient du marché. Le problème serait tel que certains membres du CISPE déclarent que plus de 75 % de leurs revenus dépendent des technologies de virtualisation logicielle de VMware.
Envoyé par CISPE
Cela empêchera les fournisseurs de proposer des produits VMware en tant que service et nécessitera probablement une migration soudaine et non demandée de leurs clients. Les analystes ont révélé que peu d'opérateurs de clouds utilisant les produits de VMware exploitent 3 500 cœurs, et la plupart d'entre eux sont donc confrontés à un avenir très incertain. Broadcom désignera les petits opérateurs de clouds non admis dans son programme de distribution comme des fournisseurs "secondaires" qui pourront à l'avenir acheter des licences auprès des opérateurs "primaires" qui répondent à l'exigence des 3 500 cœurs.
Cependant, une organisation familière avec cet arrangement a déclaré à The Register que cela n'a pas été bien perçu, car les partenaires primaires devront prendre en charge le logiciel VMware pour les partenaires secondaires. Les partenaires principaux sont configurés pour héberger plusieurs locataires, de sorte que la gestion des opérateurs secondaires ne serait pas une complication majeure, mais les partenaires principaux fournissent rarement, voire jamais, une assistance logicielle au même niveau qu'un fournisseur. Certains critiques estiment que cet arrangement n'est pas viable pour les opérateurs secondaires.
Le CISPE signale que les personnes invitées à devenir des partenaires primaires sont également mécontentes. « Ceux qui sont invités se sentent contraints d'accepter des conditions de licence injustes en raison des délais très courts imposés pour signer. Les nouvelles conditions comprennent des engagements minimums s'élevant à des dizaines de millions d'euros sur des périodes de trois ans. Les coûts des licences ont été multipliés par douze (soit 1 200 %) dans certains cas », indique le groupe. Selon le CISPE, les partenaires secondaires risquent de mettre la clé sous la porte si aucune solution viable n'est trouvée.
Le secrétaire général du CISPE, Francisco Mingorance, a déclaré que "Broadcom rançonne le secteur en s'appuyant sur la position dominante de VMware dans le secteur de la virtualisation pour imposer des conditions de licence injustes et soutirer des rentes déloyales aux clients européens de l'informatique dématérialisée". Le CISPE a déclaré que pour certaines applications du secteur cloud qui nécessitent des certifications de la part des fournisseurs de logiciels ou de services, les produits VMware sont la seule option viable. À ce titre, le groupe a demandé que Broadcom soit reconnu comme un contrôleur d'accès dans l'UE.
En vertu de la loi européenne sur les marchés numériques (DMA), les contrôleurs d'accès (gardiens), c’est-à-dire les entreprises qui ont un impact significatif sur le marché intérieur et qui servent d’intermédiaires incontournables pour les utilisateurs, doivent respecter un ensemble d’obligations et d’interdictions, sous peine de sanctions financières pouvant aller jusqu’à 10 % de leur chiffre d’affaires mondial. Sont présumées être des "gardiennes", au sens de la nouvelle législation européenne, les entreprises qui :
- fournissent un ou plusieurs services de plateforme essentiels dans au moins trois pays européens ;
- ont un chiffre d’affaires très élevé : 7,5 milliards d'euros au moins de chiffre d'affaires annuel en Europe dans les trois dernières années ou 75 milliards d'euros ou plus de capitalisation boursière durant la dernière année ;
- enregistrent un grand nombre d’utilisateurs dans l'UE : plus de 45 millions d'Européens par mois et 10 000 professionnels par an pendant les trois dernières années.
Le CISPE s'est également plaint de la décision de Broadcom de supprimer des centaines de produits VMware sans aucun préavis et de regrouper à nouveau les produits restants dans le cadre de nouvelles conditions contractuelles prohibitives, bien que les produits eux-mêmes n'aient pas été modifiés. Selon Mingorance, les mesures prises par Broadcom depuis l'acquisition de VMware ne feront que restreindre davantage un ensemble déjà limité d'options pour les fournisseurs de services de cloud computing en Europe, avertissant que Broadcom a un dangereux degré de contrôle sur les écosystèmes numériques de la région.
« En plus d'infliger des dommages financiers à l'économie numérique européenne, les actions de Broadcom décimeront le secteur indépendant de l'infrastructure cloud de l'Europe et réduiront encore la diversité des choix pour les clients », a-t-il expliqué. Mais Broadcom a insisté sur le fait que son nouveau régime de licences VMware ne changerait pas et a déclaré ne pas être perturbé par la perte de petits clients. Toutefois, dans la situation actuelle, il risque de s'attirer les foudres de certains de ses plus gros clients - les partenaires primaires - en ne leur facilitant pas l'intégration des partenaires secondaires.
Le PDG de Broadcom, Hock Tan, a décrit les changements apportés par le fabricant de puces comme une "simplification" du portefeuille de produits VMware, l'entreprise cherchant à faire passer ses clients d'une licence logicielle perpétuelle à un modèle d'abonnement uniquement. Dans un blogue consacré aux 100 premiers jours qui ont suivi l'acquisition, Hock Tan a reconnu que les changements apportés Broadcom avaient suscité un malaise parmi les clients et les partenaires, mais il a affirmé que les changements étaient motivés par la volonté d'innover plus rapidement et de servir les clients plus efficacement.
Le CISPE a fait pression récemment pour que soient modifiées les pratiques de Microsoft en matière de licences logicielles, qui font que ses produits sont moins chers lorsqu'ils sont exécutés dans son infrastructure cloud Azure, et beaucoup plus chers lorsqu'ils sont hébergés par des membres du CISPE. Microsoft a fait quelques concessions sur ce point, comme l'exige la législation européenne, mais le CISPE estime qu'il faut aller plus loin pour créer des conditions de concurrence équitables et a rejeté la solution proposée par la firme de Redmond.
Source : communiqué de presse du CISPE
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