
l'entreprise met également fin à son programme « white-label » qui était l'issue de secours des PME
Le rachat de VMware par Broadcom continue de semer la discorde et l'incertitude dans l'écosystème du cloud. Broadcom a décidé de réduire le nombre de ses partenaires VMware Cloud, tout en lançant un nouveau programme « sur invitation seulement ». Cette décision est la dernière d'une série de mouvements qui ont considérablement modifié le paysage de VMware, suscitant des inquiétudes quant à l'avenir des petites et moyennes entreprises partenaires, ainsi qu'à la concurrence et à l'innovation dans le secteur.
Alors que de nombreux partenaires viennent à peine de digérer les bouleversements de 2024, la nouvelle politique de Broadcom, officiellement déployée le 15 juillet 2025, signifie pour des centaines de fournisseurs la fin pure et simple de leur partenariat avec VMware dès le 31 octobre. Un choc brutal dans un secteur pourtant habitué aux mutations rapides, mais rarement aussi radicales.
Depuis l'acquisition de VMware en 2023 pour 69 milliards de dollars, Broadcom a clairement affiché sa stratégie : rationaliser les opérations et se concentrer sur les grandes entreprises et les fournisseurs de services cloud à grande échelle. Cette approche se traduit par la suppression progressive de milliers de partenaires qui faisaient historiquement partie de l'écosystème VMware. La nouvelle initiative, un programme « sur invitation seulement », semble renforcer cette tendance à l'exclusivité, favorisant une poignée d'acteurs majeurs au détriment d'une multitude de partenaires plus petits mais souvent innovants.
Cette consolidation a des implications majeures. Pour les partenaires évincés, cela signifie une perte de revenus substantielle et la nécessité de réorienter leurs stratégies commerciales, potentiellement vers des technologies concurrentes. Pour les clients, cela pourrait signifier moins de choix, des prix potentiellement plus élevés et une dépendance accrue vis-à-vis d'un nombre limité de fournisseurs. La diversité et la concurrence, qui ont longtemps été des moteurs d'innovation dans le domaine du cloud, pourraient en pâtir.
Un programme « sur invitation » qui exclut l’immense majorité
Broadcom a drastiquement limité le nombre de partenaires autorisés à continuer d’utiliser l’infrastructure VMware Cloud. L'entreprise n’a donné aucun critère clair ni procédure d’appel pour ceux qui ne figurent pas dans la « shortlist ». Le programme est désormais réservé aux hyperscalers régionaux ou aux très gros partenaires, ceux capables d’intégrer VMware Cloud Foundation (VCF) à très grande échelle.
Conséquence immédiate : une vague de courriels de non-renouvellement a frappé les partenaires non sélectionnés, certains avec seulement quelques semaines pour s’organiser. Ces partenaires auront jusqu’au 31 octobre 2025 pour continuer à honorer leurs contrats actuels, mais ils perdent immédiatement la capacité de vendre ou de renouveler des licences VMware via ce programme.
Cette rupture brutale ne leur laisse d'autre choix que de rediriger leurs clients... ou de les laisser filer vers les nouveaux élus de Broadcom.
Fin du programme « white-label » : Broadcom coupe même les issues de secours
Depuis l'acquisition de VMware, Broadcom a réduit le nombre d'entreprises éligibles à la revente et au support des offres VMware. En janvier 2024, elle a remplacé l'ancien programme de partenariat VMware par un programme sur invitation uniquement, le Broadcom Advantage Partner Program, et s'est séparée de nombreux partenaires. Broadcom a également coupé les liens commerciaux avec de nombreux partenaires CSP (fournisseurs de service cloud ou cloud service providers) en exigeant que les membres CSP de son nouveau programme de partenariat exploitent au moins 3 500 cœurs de processeur. En mars 2024, il a été rapporté que des « centaines » de CSP n'avaient pas été invités à participer au nouveau programme de Broadcom. VMware comptait plus de 4 000 petits partenaires CSP avant l'acquisition de Broadcom, selon The Register.
Par la suite, face aux critiques d’éviction massive de petits fournisseurs, Broadcom avait introduit un programme transitoire dit « white-label », permettant à des petits acteurs d’acheter des services via un fournisseur principal tout en conservant une marque blanche. Ce programme est désormais également supprimé, ce qui signifie qu’aucun modèle alternatif de sous-traitance ou de redistribution ne sera autorisé. En d'autres termes : plus d’arrangements, plus de souplesse, plus de « plan B ».
On assiste ainsi à une fermeture complète de l’écosystème open-partner autour de VMware. Une stratégie que Broadcom justifie par une volonté de « rationaliser les processus, concentrer l’énergie sur les partenaires les plus stratégiques, et garantir la qualité des intégrations autour de CSP VMware. »
Mais cette rationalisation ressemble surtout, pour beaucoup, à une stratégie d’élimination par concentration.
Le 15 juillet, Interactive, un fournisseur de services informatiques en Australie, a publié un blog pour avertir ses clients des mises à jour :

Les raisons stratégiques de Broadcom : profits et rationalisation
Du point de vue de Broadcom, ces décisions sont probablement motivées par un désir de maximiser les profits et d'optimiser l'efficacité. En réduisant le nombre de partenaires, l'entreprise peut potentiellement réduire ses coûts opérationnels et concentrer ses ressources sur les relations les plus lucratives. Il est également possible que Broadcom cherche à exercer un contrôle plus étroit sur la distribution et l'implémentation des solutions VMware, afin de garantir une meilleure conformité avec ses objectifs stratégiques.
Cependant, cette approche « top-down » ignore souvent la valeur ajoutée apportée par les partenaires plus petits. Ces entreprises sont souvent plus agiles, plus spécialisées et plus proches des besoins de leurs clients locaux. Elles jouent un rôle crucial dans l'adoption et la personnalisation des solutions VMware pour des marchés de niche ou des entreprises de taille moyenne qui n'ont pas la capacité ou la nécessité de travailler directement avec de grands fournisseurs.
À ce sujet, un porte-parole de l'entreprise a déclaré :
« La stratégie de Broadcom depuis la conclusion de l'acquisition de VMware a été de favoriser la simplification, la cohérence et l'innovation dans l'ensemble de l'écosystème VMware Go To Market, y compris les fournisseurs de services cloud de VMware (VCSP).
« Les changements récents apportés à cet écosystème s'inscrivent dans le droit fil de cette stratégie. Broadcom se concentre davantage sur les VCSP qui ont démontré leur engagement à l'égard de leurs services en nuage fondés sur VMware, et approfondit ses relations avec eux. Cela nous permettra d'offrir une plus grande valeur, une meilleure exécution et une expérience plus rationalisée aux clients VMware de Broadcom, quelle que soit leur taille, et de proposer une offre véritablement compétitive aux hyperscalers par l'intermédiaire de nos CSP ».
Une stratégie hyperscale... pour quelques-uns
La logique industrielle derrière cette transformation n’est pas dénuée de sens : concentrer les efforts de support et d’innovation sur une poignée de très gros acteurs permet à Broadcom de réduire ses coûts de gestion, de standardiser l’expérience client et de pousser plus efficacement l’adoption de VMware Cloud Foundation 9, son nouveau cheval de bataille.
Mais ce modèle hyperscale-first exclut automatiquement :
- les petits MSP (Managed Service Providers) ;
- les intégrateurs locaux qui accompagnaient les PME/ETI ;
- les acteurs spécialisés par industrie (santé, éducation, etc.) ;
- et même des fournisseurs cloud nationaux qui ne disposent pas d’un niveau suffisant de ressources pour être considérés comme “stratégiques”.
Cette stratégie revient à dire : « Si vous n’êtes pas un géant, vous n’êtes pas digne de VMware .»
Les clients pris en otage : entre incertitude, migration forcée et hausse des prix
Pour les clients finaux, l’effet est dévastateur. Beaucoup se retrouvent coincés dans des contrats VMware via des fournisseurs non-renouvelés. Ceux-ci n’auront bientôt plus le droit de renouveler ou de mettre à jour les licences. Pire : aucune procédure de transition fluide n’a été prévue.
Les entreprises devront :
- Migrer vers un nouveau partenaire « autorisé », parfois sans connaître ses tarifs ni ses conditions ;
- Reconfigurer ou réinstaller tout ou partie de leur infrastructure VMware ;
- Et, dans certains cas, payer plus cher pour des services identiques, sans la proximité ou le service personnalisé dont elles bénéficiaient auparavant.
Certains fournisseurs évoquent déjà sur les réseaux sociaux des pertes de contrats majeurs, des clients en panique, et une course contre la montre pour basculer vers des solutions concurrentes.
De nombreux partenaires ont exprimé un sentiment de trahison. Après des années d’investissement, de formation, de certification et de co-développement avec VMware, ils se retrouvent exclus sans négociation.
En réponse à la fin du programme « white label », un utilisateur de Reddit a déclaré que son organisation dépensait 300 000 livres par an en licences auprès d'un partenaire de marque blanche de VMware :
« J'ai maintenant six mois pour concevoir / acheter / construire une nouvelle plate-forme de virtualisation pour les fournisseurs de services dans plusieurs régions, afin de soutenir des millions de revenus, et douze mois supplémentaires pour migrer tous nos clients VMware. Je suis tout simplement stupéfait ».
Conclusion
Cette situation met en lumière une réalité difficile pour de nombreux acteurs de l'industrie : l'ère post-acquisition de VMware par Broadcom est une période de grande incertitude. Les partenaires restants devront s'adapter aux nouvelles conditions, qui pourraient inclure des exigences plus strictes, des objectifs de vente plus élevés et une pression accrue pour générer des revenus.
Pour les clients, il est impératif de surveiller attentivement l'évolution de la situation. Ceux qui dépendent fortement des solutions VMware devront évaluer la stabilité de leurs fournisseurs et la disponibilité du support. Il est possible que de nombreux clients se retrouvent à reconsidérer leurs stratégies cloud, explorant des options de migration ou diversifiant leurs infrastructures pour réduire leur dépendance à l'égard d'un seul fournisseur.
La décision de Broadcom de réduire encore le nombre de ses partenaires VMware Cloud et de lancer un programme sur invitation seulement est un mouvement stratégique lourd de conséquences. Si elle peut potentiellement renforcer la position financière de Broadcom à court terme, elle risque d'appauvrir l'écosystème VMware, de limiter l'innovation et de pousser de nombreux acteurs vers des alternatives. L'industrie du cloud est en pleine mutation, et la stratégie de Broadcom pourrait bien être un facteur déterminant dans la redéfinition de son paysage pour les années à venir.
Sources : Interactive, Broadcom
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